L’histoire des hommes se fond dans celle des territoires. Celle d’Alain Ignace, vigneron
à Beaumes de Venise, sera la première de cette rubrique « Mémoire ».
Retraité mais toujours exploitant, éloigné des responsabilités qu’il a pu exercer dans les instances viticoles et à la cave coopérative de Beaumes de Venise, devenue Balma Venitia, aujourd’hui regroupée avec Vacqueyras sous l’enseigne
Rhonéa, il vient de produire son 61è millésime.
Être vigneron est sa nature. Initié dès l’âge de 12 ans par son grand-père, entré dans la vie active à 15 ans, passion chevillée au corps pour le raisin, la vinification, les relations humaines, il ne s’est jamais considéré comme un syndicaliste, plutôt comme un économiste au sens du collectif bien ancré.
Il raconte le « Beaumes de Venise » d’avant, celui de la diversification maraichère et arboricole : pépinières, tomates, melons, fraises, raisins de table et de cuve… A cette époque, le secteur Carpentras – Aubignan – Sarrians – Caromb – Beaumes de Venise est dénommé « la capitale de la pépinière ». Tout le monde est pépiniériste, ou presque ! Son père vend au négoce, il est intéressé par le circuit court, soit la vente directe au viticulteur qui lui permet d’ajouter dans ses opérations de vente, des conseils personnalisés.
« Le vin se fait à la vigne » est déjà sa maxime.
Sa rencontre avec les frères Ott venus d’Alsace, à la recherche de plants de vigne pour leurs domaines provençaux, l’amène à découvrir « la viticulture puissance 10 ». Nous sommes fin 70 / début 80 ; la famille Ott et Casino, autre client de référence, privilégient la qualité au prix, une notion qui rejoint la sienne.
En 1982, la viticulture de précision qu’il a pratiquée jusqu’alors lui sert de pied d’appel pour intégrer le Conseil d’administration de la cave coopérative de Beaumes de Venise. Dès 1985, il arrête le maraîchage et la pépinière au moment où il devient vice-président, transforme ses terres en vignobles. Il est élu président en 1990. Pierre Meissonnier est président du Conservatoire des AOC de Beaumes de Venise.
Dans les années 90, les 4 terroirs distinctifs de l’appellation ainsi que leur potentiel sont déjà cernés. Trias, crétacé, jurassique, miocène : dès 1996, les analyses réalisées par le biais de fosses pédologiques permettent leur « mise en bouteilles ». Pour les professionnels responsables de la cave en plein essor, les vins de terroir constituent les fondamentaux de la viticulture.
En 1998, le dossier de demande d’accession en Cru pour les vins rouges est déposé ; il est validé en 2004. 2005 devient le 1er millésime produit et commercialisé. Le vin doux naturel de son côté est supervisé par un comité de produit. Alain Ignace, pour qui « La culture de la vigne est un art », aura œuvré pendant 28 ans pour la cave détentrice des Normes Iso 9002 et 14001, à présent entre les mains expertes de la Société Rhonea, sous la présidence de Claude Chabran.
Comme ailleurs en Côtes du Rhône, d’autres cultures en particulier arboricoles s’implantent aujourd’hui (pistachiers, grenadiers, amandiers). En matière de raisins de table, restent les muscats du Ventoux, seule AOC rouge en raisins en France.
Mais l’esprit collectif y domine toujours et l’entente semble parfaite avec la nouvelle génération. En conclusion, signe du bel optimisme d’Alain Ignace : « L’avenir s’annonce génial ! » ; ce que l’on est prêt à croire.
Catherine Giraud